Le moins que l'on puisse c'est que les quatre américains nous ont fait attendre. 8 ans et voilà « Hardwired…To Self-Destruct » qui déboule et tente de retrouver le feu sacré, la spontanéité qui a pu parfois manquer au combo à force de trop vouloir complexifier sa musique. Décryptage de la nouvelle livraison en compagnie de James Hetfield.
Entre la sortie de « Death Magnetic », en 2008, et l’arrivée du nouvel album, « Hardwired…To Self-Destruct », le 18 novembre 2016, il s’est écoulé quelques années. Comme expliques-tu cela ?
James Hetfield : Je n’ai pas l’impression que nous ayons fait un break depuis 2008. Nous avons eu quelques moments de répit mais le temps n’est pas une donnée importante dans Metallica. Nous gérons cela à notre manière car, tu sais, nous sommes très occupés par tout un tas de projets. Ce n’est pas comme si nous nous torturions en permanence pour sortir quelque chose et que d’autres n’attendent que ça. Il y a pas mal de choses qui se passent dans la vie du groupe, que ce soit avec les tournées ou tout ce qui se passe en dehors. Et puis, il est vrai que nous avons également nos vies de famille et elles sont naturellement primordiales, mais cela ne justifie pas vraiment tout le temps que nous prenons pour réaliser un album. Nous avons juste envie de bien faire les choses.
Est-ce que le single « Hardwired...To Self-Destruct » est représentatif de la direction musicale de ce nouvel opus ?
J.H. : En fait, « Hardwired...To Self-Destruct » est la dernière chanson que nous avons écrite pour ce disque, c’est donc une sorte de synthèse des idées qui nourrissent l’ensemble de cet album. Il est vrai que c’est l’une des chansons les plus courtes de ce disque. Nous sommes réputés pour avoir des titres dont la durée est longue et il y en a sur ce disque. Il y a également différentes ambiances, c’est ce qui nous plaît. Nous aimons tout ce qui est rapide, lent et entre les deux.
Quoi qu’il en soit, « Hardwired...To Self-Destruct » est maintenant officiellement terminé…
J.H. : Il est vrai que certains peuvent nous taxer de perfectionnistes, ils le peuvent, et je pense que nous le sommes. Mais, il y a toujours une raison à cela. Il y a sans cesse des moments où l’on se dit que c’est trop long, qu’il faut couper des passages, qu’il faut essayer de rendre plus dynamiques certaines parties. Tu sais, nous sommes des artisans et nous nous efforçons toujours de rendre nos chansons les plus efficaces possible. C’est comme cela du début jusqu’à la fin du processus, même au sujet de l’ordre des morceaux. Il y a toujours quelque chose qui nous vient en tête pour livrer un disque qui soit le meilleur possible. Nous réfléchissons en permanence à tous les petits détails qui vont améliorer le tout.
C’est la raison pour laquelle la version vinyle sera un double disque…
J.H. : Oui, c’est pour toutes les raisons que je viens d’évoquer… Nous avons au total 12 titres et, pour que le rendu sonore soit le meilleur possible, il fallait que l’on choisisse l’option du double album. C’est comme ça que nous fonctionnons.
Est-ce que vous allez effectuer une tournée pour promouvoir « Hardwired...To Self-Destruct » ?
J.H. : C’est sûr, nous allons effectuer une tournée mais je ne sais pas du tout comment cela va s’organiser. J’aimerai jouer partout où il sera possible de le faire mais tu sais, de nos jours, avec l’âge, nous voulons pouvoir le faire dans les meilleures conditions possibles. Il y aura donc une certaine organisation à mettre en place afin de s’assurer que nous soyons bien en forme pour chaque prestation Il y aura donc moins de dates et nous allons gérer tout cela de manière intelligent afin de fournir les meilleures concerts possibles.
Que penses-tu de cette mode du bashing systématique et, en particulier, celles de certains fans de Metallica qui cherchent à vous dénigrer, à vous accuser d’être des vendus ?
J.H. : Oui, il y a plusieurs versions qui circulent sur le net avec toutes ces personnes qui nous détestent et cherchent des sujets de polémique… quels qu’ils soient. Ils ont un certain ressenti envers le groupe depuis 10 ans et ils n’hésitent pas à descendre en flamme notre nouveau disque avant même d’avoir pu en écouter une seule note. Cet « exercice » ne ressemble plus à une critique musicale construite, c’est juste une manière de déverser ces frustrations. Dans ses conditions, on essaye de ne pas prêter attention à toute cette merde. Nous aimons ce que nous faisons, ça nous plaît et nous composons la musique qui nous avons envie d’écouter. Nous sommes des artistes, c’est aussi simple que cela. Tu pourras porter tous les jugements possibles sur nous, cela ne nous empêchera pas de faire ce qui nous convient le mieux.
Comment pourrais-tu analyser la façon dont le son de Metallica a évolué au cours de ses 35 dernières années ?
J.H. : Je dirais que nous avons évolué dans notre façon de faire de la musique. Mais, je ne vais pas juger les artistes qui produisent le même album encore et toujours. Si cela leur plaît et qu’ils se sentent à l’aise avec cette façon de faire, je ne chercherais jamais à les critiquer. Il y a toujours quelque chose de positif qui peut en sortir. Nous sommes des explorateurs, nous aimons essayer différentes choses et repousser les limites.
Aujourd’hui, est-ce qu’il reste quelque chose à accomplir pour Metallica ou est-ce que vous êtes arrivés à un point où vous vous dites qu’il faut juste profiter du moment présent ?
J. H. : Je dirais que c’est un peu des deux. En tant qu’explorateurs, nous nous demandons quelle va être notre prochaine aventure… Quoi qu’il arrive, il y aura toujours des défis pour nous et nous ressentirons le besoin de le relever. Nous avons encore envie de faire des « premières fois », certaines n’ont pas vraiment marché alors que d’autres ont failli nous tuer ! Je fais référence à certains films et autres qui ont demandé des investissements divers… Mais, nous sommes toujours à l’affût pour tester de nouvelles choses, prendre du plaisir et faire sourire nos fans, c’est ce qui me donne la banane.
Peux-tu nous parler de cette aventure qui consiste à ne plus être signé sur une major compagnie et à sortir vos disques sur votre propre label Blackened Recordings ?
J.H. : Je peux t’assurer que Blackened Recordings est un projet majeur pour nous (rires). C’est fondateur pour Metallica de posséder son propre label. C’est quelque chose que mes enfants ne peuvent pas comprendre. Ils disent des trucs du style : « Qu’entends-tu par le fait de posséder ta propre musique ? Pourquoi est-ce que ça ne serait pas le cas ? ». J’essaye de leur expliquer que c’est la façon dont les choses fonctionnaient il y a encore quelques années, le fait de posséder nos bandes master nous rend maîtres de notre destin, en quelque sorte. Aujourd’hui, nous pouvons assurer par nous-mêmes le pressage de nos disques vinyles ce qui est vraiment cool. C’est un nouveau chapitre pour la créativité de Metallica.
Est-ce qu’un jour Metallica décidera un jour de s’arrêter ou est-ce que vous allez continuer jusqu’au point de rupture final ?
J.H. : Je ne sais pas, nous n’en sommes pas encore là... Il n’y a pas de règles. En tant qu’artiste, à quel moment tu t’arrêtes ? Est-ce que tu es supposé t’arrêter ? Si tu t’arrêtes, est-ce que tu meurs ? Quand je repense à l’exemple de Lemmy, le mec continuait à botter le cul de pas mal de gens jusqu’au dernier moment… Pour moi, c’est une attitude respectable. C’était vraiment sa façon d’être, le mode de vie qu’il avait choisie. Pourquoi est-ce que tu devrais mourir assis sur un rocking chair ? Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui va se passer pour nous.
Source : 93.3 WMMR radio
Texte : Laurent Gilot
Photo : DR
Metallica, « Hardwired...To Self-Destruct » (Blackened Recordings)
Sortie le 18 novembre 2016
Metallica, Hardwired...To Self-Destruct, Live, Minneapolis