Suite à la sortie de son dernier album, « Volte Face », fin août 2014, et avant une date parisienne qui promet d’être explosive (le 24 janvier 2015 au Divan Du Monde en compagnie d’ADX), François Merle, guitariste historique de la formation, a bien voulu revenir sur le parcours de Manigence. Entretien.
Peux-tu nous résumer ton itinéraire de musicien et nous dire pourquoi tu as choisi la guitare comme instrument de prédilection ?
François Merle (guitare) : Vers l'âge de 15 ans, j’ai commencé a jouer avec des potes au lycée. Quand j’ai découvert qu'il existait un bouton permettant de saturer la guitare, je me suis attaqué à des reprises de Trust, c’était l’époque d’« Antisocial ». Cette orientation a marqué mes débuts de guitariste dans une veine plus hard rock. Vers 1987, j’ai rejoint l’aventure Killers, à Bayonne, où j’ai participé à 3 albums du groupe. Puis, j’aivais envie d'autre chose et je ne pouvais pas rester dans le pays basque. Je suis donc parti m'installer à Pau où j’ai rencontré d’anciens copains avec qui nous avons formé un groupe de reprises. Nous avons alors composé 6 titres et cela a marqué le début de Manigence. On a ensuite rencontré Alain Ricard, le boss du label Brennus, qui a bien voulu sortir un mini-Lp, « Signe de vie ».
Comment as-tu mis en place ton propre home studio ?
En fait, le groupe est presque un alibi pour pouvoir laisser libre cours à mes penchants pour le son (rires). J’ai toujours tout géré à ce niveau-là dans Manigence, c'est mon dada. J’ai donc tout naturellement mis en place un studio chez moi, dans ma vieille maison béarnaise. Mais, cette installation n’a rien d’extraordinaire. Je travaille avec une table de mixage DMX R100 Sony avec le logiciel Cubase. C’est un peu à l’ancienne avec très peu de plug in et beaucoup de hardware externes. Il y a également une cabine de répétition qui nous permet de jouer dans de bonnes conditions et d’enregistrer quand nous en avons envie. Le set de batterie, avec 15 micros, est en place en permanence, les amplis sont également opérationnels, tout peut donc être en place très rapidement.
Que s’est-il passé suite à la réalisation de votre mini-CD ?
Nous avons réalisé l’album « Ange ou démon » qui a vu le jour en 2002. A l’époque, nous avons pris conscience qu’il fallait passer un cap, c’est pour cela que nous avons signé avec le label NTS (ndlr : Adagio, Patrick Rondat, Edguy, Jorn, Stratovarius…) qui était un gros label français à l'époque. Comme NTS ne signait pas de groupes hexagonaux, on s’est dit que l’on allait leur proposer deux morceaux en anglais et des compositions en français. Nous avons envoyé la démo au manager du label, Olivier Garnier, qui nous a dit qu’il prenait tout ce qui était en français et qu’il ne voulait pas des morceaux en anglais (rires). A l’époque, Garnier souhaitait nous présenter comme le groupe du renouveau du heavy metal français c’est pour cela qu’il nous a demandé de faire un reprise de Sortilège (« Méssager »). Nous étions d’accord pour continuer en français même si nous avions conscience que cela allait nous fermer pas mal de portes.
Dans ce contexte, comment avez-vous réussi à vous faire connaître au Japon ?
En fait, Olivier voyageait pas mal et il a fait écouter l’album « Ange ou démon » au boss du label japonais Avalon Marquee. Comme la barrière du langage au Japon n’est pas la même que celle des allemands, par exemple, le disque a été apprécié. Nous avons donc été signé sur ce label mais pas de quoi se taper le cul par terre non plus car nous n’avons jamais réussi à y mettre les pieds ! (rires). Puis, comme NTS commençait à avoir des difficultés financières, Garnier nous a mis la pression pour que l’on sorte rapidement l’album « D’un autre sang » en 2004. Sur celui-ci, on a changé notre manière de composer et de travailler. Entre « Ange ou démon » et « D’un autre sang », le rythme était quasiment professionnel alors que nous n’avons pas ce statut, nous avons tous des jobs à côté. Nous avons donc travaillé d'arache pied et tout s’est enchaîné à un rythme assez soutenu, entre l’enregistrement de ce disque et la tournée qui a suivi. Un an après, alors que j’étais en train de mixer notre album live, « Mémoires… Live », NTS a déposé le bilan. En France, c’était une page qui se tournait, les gens commençaient à acheter moins de CD et les maisons de disques souhaitaient évoluer pour faire les choses différemment.
Vous avez alors continué à suivre Garnier sur le nouveau projet de label Replica…
Effectivement. Nous avons sorti notre live puis l’album « L’ombre et la lumière » en 2006, et le label a vraiment commencé à se poser des questions sur l’essence même de son activité. Ce dernier a décidé de s'orienter d’avantage vers la promotion plutôt que la signature de groupes. En 2011, « Récidive » est sorti sur le label XII Bis qui a, lui aussi, déposé le bilan et, aujourd’hui, nous nous retrouvons sur Verycords avec notre nouvel album « Volte face » qui est sorti fin août 2014. On croise donc les doigts pour que le label tienne le coup. En tout cas, nous avons retrouvé une structure à peu près identique à ce qu’il y avait chez NTS avec un label beaucoup plus ouvert musicalement. Au sein de Verycords, il y a de très bons groupes dans le domaine du metal comme Headcharger, Dagoba ou ADX, qui oeuvre dans un style proche du notre. C’est donc assez cohérent avec notre parcours.
Peux-tu en dire plus sur l’enregistrement de votre dernier album ?
En général, chaque enregistrement se fait toujours en deux temps. Tout d’abord, on réalise beaucoup de maquettes avec Bruno Ramos (guitare) accompagnées de programmations de batterie conçues via le logiciel EZdrummer. Nous mettons en place l’ossature des morceaux et Didier (Delsaux) vient chanter en « yaourt » par dessus pour trouver des mélodies, déterminer les hauteurs de chant ainsi que les enchaînements. Après, il faut adapter les paroles en français afin qu’il y ait une vraie cohésion avec les parties instrumentales. On fait ensuite écouter ces maquettes aux autres membres du groupe et une fois que c’est validé, on peut partir en enregistrement.
Dans votre dernière biographie, « Volte face » est décrit comme un retour aux sources et aux ambiances de « Ange ou démon ». Quel est ton avis sur la question ?
Je dirais que c’est plutôt dans l’état d’esprit. Avec les départs de notre précédent batteur et bassiste, Manigance s’est retrouvé dans une période un peu compliquée... Auparavant, les compositions que l’on mettait en place avec Bruno et Didier ne plaisaient pas et on se lançait dans des discussions sans fin. Avec l’arrivée de Stéphane Lacoude, basse, et Guillaume Rodriguez, batterie, nous avons retrouvé, en quelque sorte, la fraicheur de nos débuts. A chaque fois que l’on se voyait, on ne se posait pas de questions, on avait du plaisir à jouer ensemble et cela s’est ressenti dans les compositions à ce moment-là. Nous sommes allés à l’essentiel et nous nous sommes donc retrouvés dans un état d’esprit proche de celui que l’on a pu connaître sur « Ange ou démon ». Des riffs courts, du chant qui arrive rapidement, des refrains mémorisables, voilà la recette qui a été mise en place pour "Volte face".
Lorsqu'on compare votre musique à celle de Pretty Maids ou Stratovarius, cela vous fait plaisir ?
Bien entendu, on apprécie ses comparaisons tout en sachant que nous avons trouvé notre propre voie en le faisant en français, c’est notre identité. Même s’il y a un socle d’influences musicales communes avec les groupes que tu as cités, Manigance propose quelque chose de différent. Nous ne cherchons pas à cloner exactement les autres formations... C’est quand même un des grands drames d’aujourd’hui où beaucoup de groupes produisent une musique identique. Après, on apprécie différents styles de metal même si, pour nous qui sommes de la vieille école, un chant clair et mélodique sera toujours la base... C’est ce qui nous fait vibrer. Néanmoins, il y a quelques formations d’aujourd’hui que j’aime bien comme Trivium ou In Flames. Maintenant, si je vois le dernier Pretty Maids ou Stratovarius dans un bac de disquaire, je ne me pose pas la question, je l'achète ! (rires).
Propos recueillis par Laurent Gilot
Photo : DR
Manigance, Volte Face (Verycords - Warner)
Sortie le 25 août 2014
Manigance, Volte Face, live à l'émission Une dose de metal