Pour sa troisième et dernière journée (déjà, snif !), le Hellfest 2014 s’est transformé en véritable enfer sur terre. Une fournaise où la moindre parcelle d’ombre a été traquée et directement occupée. Mais un soleil de plomb suffit-il à décourager les festivaliers ? Hell no !
L’édition de cette année a été un cru particulièrement goûtu et tout à fait exceptionnel : le festival a atteint une fréquentation inédite : vous avez été plus de 150.000 personnes à venir vous abreuver de musiques extrêmes durant ces trois jours. Le dimanche a justement été une fantastique journée pour clore cette superbe édition. Un démarrage sur les chapeaux de roue avec les jeunots de Blue Pills, qui ont transformé la MainStage en clone 2014 de Woodstock.
De l’autre côté du site, les Franciliens d’Azziard n’a pas eu envie de réveiller la Temple en douceur. Arborant corpse paint et médailles militaires, ils se sont s’assurés que la mobilisation était générale. Mais ce dimanche, ce sont bien deux outsiders qui ont subjugué le public de la Temple.
Premier ovni : les Roumains de Dordeduh, venus directement des terres de Dracula, ont sorti un arsenal d’instruments inconnus pour beaucoup. Puis, Solstafir a foulé une nouvelle fois la scène du Hellfest. Le combo islandais a fait voyager les festivaliers vers les terres mystiques qui sont les leurs, avec un chant écorché à faire glacer le sang. Tant mieux, on avait chaud ! Une tout autre histoire de voyage a cependant tenu en haleine la Temple aujourd’hui. Le public, globetrotter de fait, a goûté aux joies des hymnes épiques qu’a lancé Equilibrium. Car, venu de Munich, le groupe a, semble-t-il, rapporté un bout d’Oktoberfest avec lui.
L’instant singulier de ce dimanche matin s’est joué sur la Warzone, à 11h, avec Cobra. Cobra, c’est un peu l’oncle embarrassant aux repas du dimanche, avec beaucoup de deuxième – voire de cinquième – degré en plus. Voir les Grassois hors contexte pourrait choquer. Et pourtant, leurs "solutions pour les jeunes d’aujourd’hui", proposés à "Clisson, capitale de la Vendée" ont été particulièrement bien reçues par les festivaliers matinaux. Un public de connaisseurs.
Sur la MainStage 1, Lofofora a encore prouvé – si c’était encore nécessaire –, qu’ils sont encore et toujours les tauliers de la scène metal française. Trente petites minutes, des tubes et des inédits de leur huitième et prochain album, avec un guest de luxe : Maxime Musqua du Petit Journal, venu s’essayer au circle pit clisonnais. Et il faut dire qu’il ne s’est pas si mal débrouillé. Sur la Warzone, les Tagada Jones ont continué dans la droite lignée de leurs bons potes de Lofo. La chaleur caniculaire ne les a pas empêchés de livrer l’une des prestations marquante de ce dernier après-midi. On a une pensée pour les agents de sécurité qui ont ramassé slameur sur slameur sous un soleil de plomb.
La Warzone a sonné vieille école ce dimanche. The Last Resort, légendaire groupe punk anglais, a ressuscité la Oi! d’antan. Les champions du psychobilly Mad Sin, eux, ont donné un air de grande fête à grands coups de contrebasse et de confettis. Toujours dans le ton, les Misfits ont filé une sacrée claque. Quand on voit les mains de Jerry Only, on comprend que ça fasse mal : une trentaine de chansons joués pied au plancher, sans temps mort. Les Ramones avec du maquillage. Épique.
Crowbar a enfoncé le clou métallique un peu plus profondément. On se demande tout de même comment ces types font pour jouer sous une telle chaleur avec une telle barbe. Les lances à eau venues en renfort d’Alter Bridge ont sauvé la vie à pas mal de festivaliers. Bon esprit, bonne douche, bon concert.
La claque de la journée sur les MainStages est venue de Annihilator. Les Canadiens thrasheurs de Jeff Waters ont mouillé la chemise, courant d’un bout à l’autre de la scène et enchaînant les solos. Une pêche incroyable.
La chaleur a donné à la Valley tout son sens. Dans le désert de Mojave qui s’est invité sous le chapiteau, Zodiac, le petit groupe qui ne cesse de monter, a été largement soutenu par le public. Définitivement, la sensation blues crasseux à ne pas laisser filer. Si on peut calquer les métaphores sportives à la musique, Black Tusk serait comme une équipe de foot championne du monde : lourde, puissante, mais généreuse avec ses supporters, et qui joue, surtout, collectif. Dozer, lui, vient de Suède, mais c’est clairement en Californie que le groupe aurait pu naître.
La Norvège est la patrie du black metal. Mais Obliteration prouve que le death metal y a tout à fait sa place. Imaginez une entreprise de travaux publics, jouant son marteau piqueur pour n’importe quelle œuvre, y compris les plus fins, et vous obtenez The Black Dalhia Murder. Les Américains seraient-ils le premier groupe à avoir lancé un circle pit sous l’Altar de l’édition 2014 ? Ça se pourrait bien… Paradise Lost n’avait pas mis les pieds au Hellfest depuis un sacré bout de temps. Les Anglais nous avaient manqué. Leur concert a sonné comme une succession d’hymnes que le public a repris en chœur.
Même après Iron Maiden, Deep Purple ou Aerosmith, les Mainstages ont encore craché leur lot de têtes d’affiche imparables : Soundgarden a ouvert le bal en faisant voyager depuis les 90’s leur grunge. Chris Cornell, sa belle gueule et surtout sa voix caverneuse n’ont pas pris une ride.
Pour clore le Hellfest comme il se doit, les MainStages ont ouvert les portes des ténèbres : Behemoth, dont le chanteur Nergal, véritable survivant, est revenu plus fort que jamais, a donné une prestation à mettre tout le monde d’accord. Les Polonais restent les leaders – presque – incontestés du black metal mondial. En première place, toutefois, Emperor est revenu récupérer son titre après leur séparation – et leur premier passage au Hellfest – en 2007. Les Norvégiens ne sont pas qu’un simple groupe de black. Loin des clichés, loin des caricatures, le groupe transcende le genre pour en extraire l’essence même : l’occulte brut de décoffrage.
Pour clore les portes des enfers, les grands prêtres de Black Sabbath étaient attendus de pied ferme, après une annulation malheureuse en 2012. Le public l’attendait, a scandé son nom jusqu’à ce que se montre le prince des ténèbres : Ozzy Osbourne est monté sur scène accompagné de l’increvable Tommy Iommi. Les Iron Men du hard rock ont beau frôlé les 70 balais, ils mettent aisément une claque à tous les petits jeunes de la scène. Respect et gloire à Black Sabbath !
Petite frayeur du côté de l’Altar. Le chanteur de Soilwork, en plein show, est passé à travers la scène. Plus de peur que de mal, le gaillard a pu reprendre le concert comme si de rien n’était. C’est ça, le rock. Juste après, c’est un Opeth plus qu’en forme que les derniers téméraires, totalement acquis à la cause, ont eu devant. Le chanteur Mikael Akerfeldt a séduit par son humour légendaire, quitte à se frotter à Black Sabbath. Une fin pour la Altar comme on en rêvait.
Le dernier clou de la journée a été planté par Turbonegro. Ils ont signé leur grand retour à coup « d’érections » pour toute l’assemblée. Durant une heure, les bad boys ont atteint la quintessence du rock’n’roll : du riff lourd, du gras, des sous-entendus sexuels et beaucoup, beaucoup de testostérone. Curieux choix pour un rappel : la reprise de Money for nothing de Dire Straits, qui a pris, bizarrement, une tournure vraiment bandante. Ça tombe bien, I got Erection clot le set des Norvégiens. Un set parfait.
2015 devra mettre la barre très haut pour rivaliser avec cette année. Aucun doute qu’elle le sera. See you next year, Hellbangers !
Source : Hellfest.fr
Behemoth, live, Hellfest 2014
Equilibrium, live, Hellfest 2014
Solstafir, live, Hellfest 2014
1349, live, Hellfest 2014