"L’important est de ne jamais désespérer” : le slogan choc de Midnight Express s’appliquerait aussi bien à Anvil. Soit deux musiciens de speed metal canadiens que les galères n’ont jamais épargnés depuis leur premier album en 1981 mais qui parviendront à surmonter les coups du sort grâce à l’amour de la musique et à l’amitié. C’est cette complicité de trente ans que retrace le réal Sacha Gervasi, qui réussira grâce au succès de son film à sortir la tête de l’eau des deux compères, le chanteur-guitariste Lips et son batteur Robb Reiner. Flash-back : à 15 ans, Gervasi, fils de diplomate, est un fan transi du groupe Anvil, pour lequel il fait le roadie l’été avant de découvrir Iggy ou Bowie à la fac. Plus cool ! En 2005, assailli par une sorte de midlife crisis, Gervasi, homme arrivé, reprend contact à tout hasard. Le groupe rame et espère toujours : son lot depuis vingt ans. L’étincelle de l’amitié se ranime. Fort de sa cagnotte de scénariste pour Spielberg sur Le Terminal, Gervasi, touché par leur persévérance, tourne à ses frais 320 heures de rushes sur le destin d’un groupe à qui il a toujours manqué 10 cents pour faire un dollar.
Flash-back bis : le film s’ouvre sur un festival japonais en 1984. Anvil, qui partage la scène avec Scorpions, Whitesnake ou Bon Jovi, a le vent en poupe. Pourtant, il les verra tous monter – ainsi qu’un Metallica qu’il a plus qu’inspiré – dans le train du succès tandis qu’il restera à quai, à Toronto.
Acharné, Anvil continue : même pour deux pelés et trois tondus, se persuadant que le prochain album sera le bon. Sauf qu’en 2005 on retrouve Lips livrant les cantines scolaires en boulettes-purée le lundi et hachis le mardi. Un day job sordide où personne ne sait qu’il a sorti douze albums et refusé par solidarité avec son groupe un poste de guitariste chez Motörhead en 1983.
Au même moment, Robb renonçait à la batterie d’Ozzy Osbourne pour, en 2005, jouer du marteau-piqueur sur des chantiers…
Honnête mais loser, Anvil n’a jamais (re)décollé. Une histoire cent fois vécue mais rarement (si bien) vue. Il y a du Stand by Me dans la force de caractère de ces amis qui se sont toujours soutenus et n’ont jamais renoncé malgré les rejets des majors et les maisons hypothéquées.
Après un démarrage hilarant à la Spinal Tap – fans piqués, backstage crasseux et trains loupés lors d’une tournée surréaliste en 2006 –, c’est titillé par un montage habile que l’on suit les réactions des proches. L’occasion de moments de franchise des femmes et fratries, tous ayant réussi alors que leurs baladins de frères et maris courent toujours après la gloire à 50 ans passés. Mais quand Robb le tourmenté voit dans la caméra une sorte de sérum de vérité et évoque son père, Juif hongrois rescapé d’Auschwitz, ce que nul ne savait, le film trouve un ton plus humaniste.
Il cadre au plus près des espoirs de ces frères siamois jamais ridicules, qui à chaque engueulade se réconcilient en larmes à la Astérix & Obélix, et touche au cœur le spectateur qui ne peut que souhaiter à Anvil de sortir enfin ce treizième album. Qu’il soit ou non fan de metal n’a alors plus aucune importance.
Source : les inrocks.com
Anvil, the story of, trailer