30.4.10

Loudblast, état de grâce

Que dire de plus sur cette formation française qui n’aurait pas déjà été dit auparavant par d’autres ? Loudblast, c’est probablement l'un des seuls groupes hexagonaux qui a su mixer habilement influences death et thrash pour faire entendre sa voix au-delà de nos frontières. Dans les années 80, il y avait deux formations capables d’atteindre cette dimension : Massacra et Loudblast. Par la force du destin et de leur opiniâtreté, ce sont ces derniers qui se sont imposés dans la durée. Fort de la sortie récente de deux coffrets (“Original Album Classics” et “Loud, Live and Heavy”), Loudblast revient arpenter les quatre coins de notre pays, raison suffisante pour faire le point à l’aune d’une nouvelle décennie.

Stéphane, dans une interview que tu nous as accordé en 1989, lorsqu’on te demandait comment tu voyais l’avenir de Loudblast, tu nous disais, en substance, que tu vivais au jour le jour et que le fait que Loudblast devienne un grand groupe te paraissait une utopie. Que s’est-il passé depuis ?
Loudblast : (Rires)
Stéphane Buriez : Je ne sais pas si nous sommes devenus un grand groupe mais, en tout cas, on est devenu un groupe important à force de travail et de sorties d’albums. Après, ce n’est pas à nous de déterminer si nous sommes grands ou non… Depuis cette interview, il s’est passé beaucoup de choses et nous revoilà maintenant plus de 20 ans après avec un nouveau line-up. Quand on a sorti le DVD et la réédition des albums, l’idée était de faire un bilan de toutes ces années d’activité avec Hervé (batterie). On s’est dit que ce serait idiot de sortir ces disques et ce DVD sans les défendre sur scène. Puis, on s’est demandé si on en avait toujours envie de batailler pour faire vivre Loudblast et, finalement, on s’est dit que ça valait le coup.

Pourquoi et comment s’est fait le recrutement de vos nouveaux musiciens ?
Hervé Coquerel : Il fallait surtout que l’on fasse un point au niveau de notre line-up. Alex avait décidé de ne pas continuer et, avec François, ce n’était plus possible de travailler ensemble car il y avait une incompatibilité d’humeur.
S.B. : Nous, on savait où on voulait aller avec Loudblast et il fallait que l’on trouve de nouveaux musiciens pour nous accompagner dans ce projet. En fait, on n’a pas vraiment fait d’audition et tout s’est fait par connexions, en parlant avec d’autres personnes…
H.C. : On a vu une petite dizaine de musicien et on s’est vite retrouvé à devoir faire des choix sur 3 ou 4 musiciens intéressants dont Pierre « Drakhian », notre nouveau guitariste.

C’était une manière d’apporter du sang neuf pour redynamiser Loudblast ?
S.B. : En fait, le coup de booste, il s’est fait tout seul. Le fait de faire de la musique, c’est quelque chose que tu as en toi et quand il se passe quelque chose entre musiciens, la motivation vient d’elle-même. Ce n’est pas un truc que tu peux créer artificiellement en te disant que, par exemple, le recrutement de nouveaux musiciens va t’aider dans ce sens. Ce n’est pas comme ça que j’aborde la musique et que je la conçois. Parfois, l’osmose ne se fait pas mais, quand on a rencontré Drakhian et Alex Lenormand (basse), ça a fonctionné tout de suite, il y a un truc qui s’est passé et on ne s’est pas posé 36 questions. Puis, quand ça fonctionne bien, tu te dis que tu ne vas pas t’arrêter là, qu’il faut aller plus loin et se retrouver sur scène face à un public. Du coup, jusqu’au mois de juillet, nous sommes bookés sur différentes dates en province et quelques festivals, dont le Hellfest.

Toi Pierre, tu viens plutôt de l’univers black metal, partagez-vous quand même des influences musicales similaires ?
Pierre « Drakhian » : Par forcément. Loudblast ne fait pas vraiment partie de mes influences musicales même si c’est le monolithe, le groupe incontournable du metal français…
S.B. : Merci pour le monolithe ! (rires). Il est vrai que, quelque part, nous sommes un peu les seuls rescapés de cette scène des années 80 où il y avait des groupes comme Death Power, Nomed ou Massacra. Aujourd’hui, il ne reste plus que Treponem Pal ou Agressor.

Peux-tu nous parler de votre signature sur le label XIII Bis Records ?
S.B. : On est l’un des premiers groupes du genre à avoir signé sur ce label. C’est une maison de disques indépendante qui ne s’est pas bien portée à un moment donnée mais, aujourd’hui, ils ont signé des deals de distribution en Angleterre et en Allemagne et l’avenir se présente bien.

Comme le coffret de vos quatre premiers albums remasterisés est sorti il y a quelques mois, est-ce que vous pouvez juste nous dire juste quelques mots sur chacun de ces albums ?
« Liscenced To Thrash » (1987) : On va dire que ce disque marque le début de notre carrière. C’est bourré d’erreurs de jeunesse, de maladresses. En fait, ce split Ep n’aurait jamais dû sortir tel quel. Quand on l’a enregistré, on s’est dit que l’on allait refaire les parties de guitare, les parties vocales mais comme le proprio du studio n’a pas vraiment aimé notre style, il a effacé les bandes dès que l’on a quitté son studio. Il faut se rappeler qu’en 1987, notre musique était considérée comme du bruit, du noise total et personne ne voulait entendre parler de nous. Quoi qu’il en soit, ce disque nous a mis le pied à l’étrier, il a été distribué dans le monde entier et il a contribué à faire connaître Loudblast. C’est ce qui en fait l’un des albums les plus populaires de notre discographie. Ce disque est culte, le premier dans le genre speed/thrash à l’époque.
« Sensorial Treatment » (1989) : c’est notre premier vrai album, enregistré et mixé en 15 jours à l’ancienne, c’est-à-dire que tout a été enregistré en live hormis les voix qui ont été captées à part. Ca nous a permis de commencer à tourner en première partie de Coroner et à aller jouer en dehors de nos frontières.
« Desincarnate » (1991) : C’est notre première signature avec un vraie label Fnac Music. Je dis ça parce qu’on avait un vrai budget d’album et que l’on a pu aller aux Etats-Unis, à Tampa (Floride), pour enregistrer avec Scott Burns aux Morrisound Studios. Ce dernier nous a aidé à passer à un niveau supérieur. Il nous a permis de nous mettre à niveau par rapport à la scène internationale. Avec ce disque, on peut dire que nous avons appris notre métier. Avant, on croyait qu’on était des professionnels mais, une fois arrivé dans le studio Scott, on s’est rendu compte que l’on avait encore du travail. On peut dire que ce disque marque vraiment le début de la carrière de Loudblast car il nous a permis de faire de grosses tournées comme celle avec Death.
« Sublime Dementia » (1992) : C’est la suite logique du précédent avec une approche plus mélodique. C’est là ou Hervé arrive dans le groupe. Nous avons travaillé avec la même équipe aux Morrisound Studios. C’est notre disque probablement le plus abouti côté compositions. La couleur est moins death metal, on a expérimenté de nouvelles choses comme le chant féminin, des interludes… C’est l’un des albums préférés de nombreux fans parce que l’on a essayé de nouvelles pistes. D’ailleurs, sur notre mini tournée actuelle, on joue beaucoup de morceaux de cet album.
« Cross The Treshold » (1993) : On l’a, à nouveau, enregistré avec Scott Burns et Bruno, qui était notre ingénieur du son attitré, sur un 16 pistes. Pour le mixage, on a fait venir Colin Richardson (Carcass, Fear Factory, Trivium…) à Valenciennes dans un petit studio et il a fait un travail extraordinaire ! C’était une vraie rencontre avec Colin qui nous a permis de réaliser avec lui « Fragments », quelques années plus tard. « Cross » et « Sublime » ont été enregistré la même année mais le premier est plus heavy dans l’approche et amène vers ce que va devenir Loudblast dans les années 90.
« Fragments » (1997) : Cette fois-ci, même si on n’est pas les seuls à l’avoir fait, nous avons vraiment intégré du chant féminin dans nos morceaux. Pour moi, c’est l’album le plus abouti du groupe malgré son aspect très « expérimental ». Musicalement, c’est un disque où il y a beaucoup de prises de risques. Je trouve que « Fragments » a vraiment bien vieilli, il s’est très bien vendu même s’il n’a pas fait l’unanimité au sein de notre public. D’un autre côté, cela nous a permis de gagner un autre type de public car nous sommes devenus le premier groupe de metal « extrême » à être distribué dans les supermarchés. C’est finalement ce qui nous a fait vendre beaucoup d’albums. On a vendu 12 000 albums en deux semaines, ce qui est fou surtout quand on voit la situation du marché aujourd’hui.
« Planet Pandemonium » (2004) : C’est un album incompris alors qu’il y contient de très bons morceaux. C’est le disque d’après la split en 1999, suite à la tournée « Fragments ». J’aime beaucoup ce CD mais ce n’est pas un vrai album de groupe parce qu’on l’a fait à deux avec Hervé.
H. C. : Steph a composé 95% de ce disque et il l’a mixé, produit. Quand tu es un groupe qui représente quelque chose pour les gens, ils s’attendent toujours à écouter ce qu’ils aiment vraiment dans ton style. L’attente est souvent disproportionnée et tu es donc parfois déçu parce que tu t’attendais à autre chose. C’est comme pour Metallica, tu as envie d’entendre « Master Of Puppets » et pas « Reload » ou « St Anger » alors qu’il peut y avoir de très bons morceaux sur ce dernier.

En terme de production, comment avez-vous vécu le passage de l’analogique au numérique ?
C’est drôle parce que maintenant, on revient à l’analogique (rires). Il y a des choses incontournables. Par exemple, enregistrer des batteries en analogiques, c’est juste mortel. Jusqu’à « Planet Pandemonium », on a toujours enregistré nos albums sur bandes. A l’époque, quand on entrait en studio, on savait jouer nos morceaux. Aujourd’hui, si tu ne maîtrises pas bien tes compos, tu peux quand même faire un putain de bon album. En revanche, en live, tu peux avoir de grosses déconvenues… Certains groupes sont parfois très approximatifs dans leur interprétation. C’est bien de faire du copier/coller et autres, en même temps, il n’y a pas beaucoup de groupes comme Linkin Park qui peuvent se permettre de jour en play-back sur scène. Il faut avoir les moyens. Mais, un petit software ne remplacera jamais une vraie console qui coûte le prix d’une grosse maison (rires).

Propos recueillis par Laurent Gilot
Photos : Thot photography

La tournée 2010
7 Mai 2010, LE PLAN, RIS ORANGIS
4 Juin 2010, LE PHARE METAL FEST, TOULOUSE
5 Juin 2010, TRANSBORDEUR METAL FEST, LYON
12 Juin 2010, SALLE POLYVALENTE, FREVENT
18 Juin 2010, HELLFEST 2010, CLISSON
30 Juillet 2010, LÉZ’ARTS SCÉNIQUES, SELESTAT

Loudblast, “Loud, Live and Heavy” (XIII Bis/La Baleine)
Sortie le 6 juillet 2009
Loudblast, “Original Album Classics” (XIII Bis/La Baleine)
Sortie le 28 septembre 2009

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www.myspace.com/loudblast

Loudblast, No Tears To Share, Live Hellfest